La Démocratie de la Française des Jeux

Publié le par Hugues Débotte

La Démocratie de la Française des Jeux

La vie démocratique est un jeu d’équilibriste assez compliqué. Car « commander le Peuple » est en soi ambigu, puisque le terme étymologique ne dit pas « comment ». C’est ce vide qui a permis de multiples versions de la démocratie avec la fameuse triptyque « pour, par, avec ». Initialement réservée aux hommes riches, puis ouverte à tous, mais pas aux femmes, interdites aux hommes de couleurs considérés comme des animaux, sinon des esclaves, puis universelle du temps du moyen-âge, puis à nouveau interdit aux femmes et réservés aux hommes payant un certain impôt, puis universel. Il y aurait eu tirage au sort, vote, à main levé, à bulletin secret, sur papier, électronique, élection directe, indirecte. Pirouette, cacahuète. Pauvre Démocratie triturée dans tous les sens comme de la pâte à modeler !

L’Histoire que nous ignorons tous dans les détails, desquels sont extraits par tri sélectif bien ordonné par les uns ou par les autres pour soutenir leur version respective des choses, pourrait nous permettre de faire un catalogue, une anthologie vaste et complète. Sans doute découvririons nous de belles ou de décevantes surprises. Dans tous les cas, il en émergerait les discours généralisateurs qui sont toujours les plus destructeurs. Cette recherche idiote d’universalisme, d’holisme, de totalisme, d’absolutisme, de généralisme, d’englobisme, … se prendre pour des Dieux, en somme – et comme toujours.

 

En France – au moins – en ce début de XXIème siècle – au moins – , nous avons cette fâcheuse tendance à jeter l’eau du bain et le bébé avec. La défiance démesurée envers les institutions prostituées de force depuis deux cent ans – au moins – par une ultra minorité violente est compréhensible mais exagérée. Cette défiance est en effet exagérée parce qu’elle laisse place à l’impossibilité de pouvoir relever le défi de changer les choses et corriger les travers. « Ce n’est pas possible », vous clament les dominants. « Ah bon ? Ah bah si vous le dites, alors c’est pas possible ». Arf…

Et oui, l’idée de Démocratie a été pervertie. Et, oui le Peuple s’est fait avoir, depuis le début. Si toutefois le Peuple sache ce qu’il veuille et le lève pour le défendre. Et alors ? Est-ce une raison pour tout abandonner en crachant sur la République, les Institutions, la Démocratie, la Justice, le Suffrage Universel ?

Il est vrai que les pirates aux commandes ont démultiplié avec talents et créativité les moyens et actions pour diviser, démanteler, atomiser, acculturer l’ensemble de la population dans le seul but d’amplifier la situation de domination en sa faveur. L’ogre est ma foi extrêmement vorace depuis des générations. Et ce phénomène n’est pas nouveau ! En plus il est appliqué dans tous les domaines de la vie : social, économique, politique, spirituel, artistique, historique. Mais peu importe : il n’est qu’un Goliath aux pieds d’argile.

Quand bien même les nouvelles générations emboîtent le pas à celles des « Minitel », « Atari », « Top 50 », « Roue de la fortune » et « Dallas », en ayant abus de tous les gadgets et niaiseries sorties du chapeau magique d’internet et des désormais téléphones-main, et entretiennent ainsi sans s’en rendre compte le « du pain et des jeux » millénaires de Jules César et des combats de gladiateurs (de nos jours feu-TPAMP sur C8, les Grandes gueules sur RMC ou l’Heure des Praud  sur CNEWS), il existe UN domaine épargné qui le restera à jamais : la culture alternative.

Bon, il faut avouer qu’il faudra un choc aussi puissant que celui des deux guerres mondiales pour que peut-être les plus nombreux, les « prolétaires », cessent de singer les bourgeois dont la vie matérialiste monotone sonne creux d’intelligence, et pour qu’ils adoptent les toilettes sèches, l’électricité infinie gratuite faite maison, l’entretien d’un potager, et l’abandon de confort inutile pour vivre une sobriété heureuse centrant les individus sur l’être et non pas l’obsession continuelle et suicidaire de l’avoir.

De ces générations de presque-pauvres qui se sont ruées chez Mc Do à la sortie du confinement ou qui passent leurs journées les yeux collés à regarder des conneries sur le téléphone-main sans ne plus regarder où ils marchent dans la rue, il reste en effet une issue de secours qu’il est grand temps de réactiver : la culture alternative. La musique, notamment. La danse aussi (rien qu’à voir le phénomène récent « Jerusalema »). Mais aussi la peinture, la poésie, les sktechs, le slam, les récits, le théâtre, pourquoi pas le chant, la chorale et l’opéra ! Toutes ces activités gratuites et source de liberté, sur lesquelles JAMAIS les oligarques n’auront la main, contre lesquelles les dominants ne pourront JAMAIS en empêcher l’expression libre des idées libres.

 

Si Bernard Arnault s’obsède à construire un musée (pour sans doute surtout blanchir sa comptabilité d’argent sale), ou bien nourrit son attrait intéressé pour les médias subventionnés (mais surtout source de manipulation et de gavage en « du pain et des jeux »), ce n’est pas pour rien. Il sait, comme tous ses comparses milliardaires à ne savoir que faire de tout leur « pognon de dingue», que les idées et les mots sont bien plus puissants que du pain et des jeux. Ces oligarques auto-proclamés aristocrates ont pleinement conscience que le maintient de leur domination dépend des idées, et notamment l’élévation des leurs, via la culture, la communication et l’art.

Or, l’intelligence collective – terme à la mode, galvaudé sans limite, abusé à toutes les sauces – de tout un Peuple trouve son énergie dans sa capacité créatrice artistique et culturelle. Pour sortir de l’impasse de ce piège tendu et entretenu par les parias du pouvoir politique, il ne suffit pas d’un coup de baguette magique démocratique, entendez par là d’un illusoire tirage au sort. Dieu ne joue pas aux dés ! Et puis que diable si je suis tiré au sort, et alors, si je ne veux pas participer à cette mascarade ? On va m’ostraciser ? Me mettre à l’amende ? En prison ? Et de quel droit ? Qui s’octroie un tel pouvoir de sanction ?

 

Car tel est le grand paradoxe du principe du tirage au sort : il FAUT que le citoyen participe (pour que cela fasse comme dans une démocratie), mais il a le droit de refuser (parce que telle est la liberté comme en Démocratie). Et comme le citoyen est un crétin, que le Peuple est stupide, il FAUT le prendre par la main et le forcer à s’occuper de la cité, et de la démocratie, et donc devenir un bon et fidèle citoyen obéissant au service de cette pauvre prostituée de démocratie. La dictature démocratique, en somme. Ce qu’on appelle en science politique les régimes alibéraux.

Ce à quoi le bon citoyen tiré au sort saura alors répondre : « mais je vous emmerdes ! Et je ne reconnais pas ce gouvernement ». Car il faut bien un gouvernement d’imbéciles pour organiser le tirage au sort, non ? (Regardez celui de Macron et la convention citoyenne ! C’est bien un gouvernement de crétins non ?). Un gouvernement sorti lui même d’un chapeau magique, d’où on ne sait où. Tataaaa ! Et revoilà la poule et l’oeuf… Heureusement, c’est le coq qui a le dernier mot. Et dans notre cas, le coq, c’est le vote.

 

La Démocratie, cette moelle essentielle à l’existence même du Peuple, exige des efforts spontanés de la part de chacun et de tout le monde en même temps. La Liberté en est la condition première. Non pas la liberté de faire ce qu’on veut (saleté de libéralité qui trouverait face à elle le bouclier du tirage au sort comme contre offensive), non pas la liberté qui est mienne et « s’arrête là où commence celle du voisin » (mais quelle niaiserie que cette délimitation de la liberté de ce John Stuart Mill !), mais la liberté qui consiste à se libérer de soi-même, de s’émanciper, de se lever et de trouver la force de dire « non » (ou « je vous emmerde ! »), sinon de rester assis en soumis aux dominants. La Liberté ou la soumission. Le choix est binaire. Et il faut voter pour choisir l’un ou l’autre, pile ou face ne fonctionne pas, parce que c’est un choix qu’il faut faire pour se libérer ou rester soumis.

Car exprimer cette liberté, cela passe par une volonté affichée, qui ne peut donc en aucun cas être le fruit du hasard, due à un tirage au sort, nouvelle invention et supercherie moderne bourgeoise après celui de l’élection représentative à mandat non révocatoire. Rien d’étonnant que les écolos-bobos vivant essentiellement dans les centres ville soient des fanatiques de cette nouvelle pirouette ! Ces recyclés-bios qui, quand ils vont à la campagne, font un procès au coq Maurice sur l’île d’Oléron dont le chant les empêche de dormir. Bande de socialistes caviars recyclés en hipsters ! Vous l’avez vu le maire de Lyon avec son smartphone à (ne pas) écrire en langage inclusif sur whatsapp ? Quelle cohérence pour un écologiste ! Et encore, on ne l’a pas vu sur une trottinette à batterie polluante ! Aurait-il des toilettes sèches chez lui ? Tu parles ! Il doit bien aimer chier dans l’eau, celui là !

Dans ce palabre des interrogations sur la démocratie, la façon de décider, il est impératif de partir de la base en valorisant ce qui a tendance à être négligé : le municipalisme libertaire. Autrement dit le fief de toutes les expérimentations sociales humaines de la démocratie. Ce projet est déjà en vigueur, qu’en déplaisent à ceux qui à raison assimilent « libertaire » à « anarchiste ». Barcelone, Naples, Saragose, Valence, Madrid et bien d’autres villes dans le monde en sont. Alors pourquoi pas repartir de la base ?

Dans les communes, dans les quartiers, point de tirage au sort : tout le monde se connaît, et tout le monde travail ensemble. Nul besoin d’être parano, dans la suspicion, le doute. Car tôt ou tard, on peut toujours aller chercher le coupable par la peau des fesses et le sanctionner, quitte à ce qu’il finisse de honte sur la place du village ou du quartier enduit de goudron et de plumes. C’est aussi ça l’intelligence collective.

 

 

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