Arbeit macht frei !

Publié le par Hugues Débotte

Arbeit macht frei !

Miwa Sado est décédée à l’âge de 31 ans d’une crise cardiaque alors qu’elle était une parfaite santé générale. Journaliste à la NHK à Tokyo, elle cumulait 160 heures supplémentaires, non comptabilisées puisque faites en dehors des heures de bureau. Au lieu de l’aider et la soulager, ses collègues (principalement des hommes) lui donnaient encore plus de travail. Son chef de service ayant été fermé à tout discussion et exigeait tout d’elle. Elle obéissait sans broncher comme tout Japonais qui respecte son supérieur, marque d’honneur et engagement, des principes archaïques issus d’un autre temps.

 

Il y a eu une période médiatisée, alors que le phénomène continue, des suicides en série des cadres intermédiaires chez France Telecom (actuellement Orange) dus aux modifications des méthodes managériales suite à la privatisation de l’entreprise d’Etat dans les années 1980. Information supplantée par le suicide des agriculteurs Français, qui travaillent sans relâche pour au final ne gagner le moindre sous, sinon des miettes en dessous du RSA.

 

Chaque année, plus de 800.000 personnes meurent au travail d’épuisement et de fatigue, ou de maladies liées à l’affaiblissement du corps trop agressé par la tâche laborieuse. La longueur des journées augmente d’année en année, du fait de l’éloignement entre le logement et le lieu de travail, pouvoir vivre à coté de son entreprise dans les grandes villes étant un luxe réservé à celles et ceux gagnant les plus gros salaires.

 

Deux facteurs nocifs et donc mortels au final sont à la source de ce phénomène qui n’ira qu’en croissant, étant donné la disparition lente et progressive du travail : la compétition et un principe philosophique ancien.

 

La compétition est la règle numéro un dans le fonctionnement de nos sociétés. Cela commence dès l’école avec les classements des élèves du meilleur au plus « mauvais ». C’est un principe d’agression, d’égoïsme, de stress permanent, de peur de perdre sa place, et de frustration. Rien de bon. Les enfants et adolescents ne sont pas des robots et pourtant leur sommeil est perturbé par la fatigue, l’obsession de travailler les cours sans relâche, bachoter mécaniquement comme des fourmis. On ne leur apprend jamais ni nulle part à reposer leur corps, à méditer, à prendre du temps pour eux afin de savoir gérer face aux agressions et aux stress. Et quand ils pratiquent un sport, les parents les poussent à être au top, en rien d’avoir une approche ludique et enrichissante de l’activité physique.

 

Le deuxième vecteur destructeur, il est écrit dans la bible, inscrivant noir sur blanc l’esclavage ancestrale mais le mutant en un « travail » voulu librement. Ainsi, on peut lire : « C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain (3-19) », et dans la Génèse 3, le travail est source de souffrance, devenu pénible, comme une obligation et une punition d’avoir chuté du Paradis.

 

En ajoutant à cela le fait que le corps n’est que putréfaction et « poussière » face à l’âme pure destinée à rejoindre Dieu après la mort, se fonde la chose suivante : « travaille jusqu’à épuisement, ta libération par la mort t’enverra au près de Dieu pour un réconfort éternel » !

 

Usant de leur hummour cynisme, les nazis ont écrit au dessus des entrées des camps de la mort la petite phrase de trois qui résume tout : « Arbeit macht frei », autrement dit, le travail rend libre de la vie par la mort à l’usure… référence absolue à la bible. Le message sous-entendu par ces trois mots est : « aller, travail mon con, tu te reposeras quand tu seras mort et ton honneur sera sauvé ».

 

Il est impératif de remplacer une idée fausse – le travail rend libre – par une autre bien plus constructive : le plaisir de faire des choses belles (comme c’est le cas avec le monde de l’artisanat). Et même si cela met des siècles à devenir universel, c’est la seule alternative au travail.

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